L'odyssée d'une génération déçue
D'abord, il y a cette
couverture. Dans la jungle quadrillée que sont les tables des
librairies, elle se remarque aussitôt, sort du lot et,
immanquablement, suscite l’intérêt. Les jolies éditions RueFromentin ont parfaitement compris l'importance d'une couverture
réussie, d'un graphisme impeccable et d'une esthétique qui attire
l'attention (exemple avec le dernier né de la maison, L'homme
surnuméraire, de Patrice Jean).
Alors, bravo à MathieuPersan pour cette illustration. Vive et colorée, il est difficile de
ne pas tomber sous son charme.
Que voit-on ?
Les gratte-ciels de
Manhattan, la nuit étoilée sur New York et, en surimpression, le
visage d'une femme regardant vers le ciel. La ville à figure
humaine ? Une femme qui protège ses habitants ?
Le thème de la
ville-femme existe depuis longtemps et, à vrai dire, on en a fait le
tour depuis le temps. La ville est belle comme un corps de femme, et
dangereuse comme l'amour pour une inconnue.
Mais ce n'est pas
l'unique propos de New York Odyssée. Car ce n'est pas
forcément le visage de la ville que l'on voit en surimpression.
« Pourquoi nous
sommes venus en ville ? »
Titre original du livre,
titre du prologue, titre du long poème épique de Jacob, le
personnage poète du roman. Tout est là. Que cherche exactement cinq
jeunes de vingt et quelques années lorsqu'ils arrivent à New York ?
Qu'est-ce qui les attire dans la grandeur de la ville ? Comment
vont-ils dompter la ville insoumise, la ville insondable, la ville
immatérielle ?
Jacob le poète, Irène
l'artiste, George l'astrophysicien, Sara la journaliste et William
l'écartelé. Voici les cinq personnages autour duquel, le long de
450 pages, nous allons graviter.
Le premier chapitre nous
offre le portait d'un groupe de têtes à claques, prétentieux,
irrévérencieux, sûrs d'eux et de leur supposé génie. Dans un
jacuzzi, tout en haut du Waldorf Astoria, ils contemplent la ville,
certains de leur être supérieur.
Plus grand que la ville.
Plus grand que la vie ?
C'est là leur plus
grande erreur. C'est là tout le sel du roman.
Un drame les frappe de
plein fouet, la maladie de l'un d'entre eux.
Évidemment, leurs
certitudes en prennent un sacré coup, et leur optimisme et leur
insouciance s'amenuiseront à mesure que les déceptions prendront le
dessus. Les adolescents rentrent dans le terrible rang de l'âge
adulte. Les cinq portraits, alors, prendront mille nuances sublimes
et intéressantes. Les idéaux s'enlisent, ou s’aiguisent. On
voyage entre concessions, déceptions ou prise de conscience et
radicalité. C'est le roman d'une génération qui n'a pas eu le
temps de tout vivre et qui doit déjà laisser la place.
C'est tout simplement
beau, c'est tendrement bouleversant, c'est physiquement prenant.
C'est lyrique, c'est
élégant, c'est mélancolique.
Et tout le long, la
poésie, berçant chaque paragraphe, puis chaque chapitre, et chaque
partie du roman.
Pourquoi sommes nous
venus en ville ? Pourquoi l'avons-nous quitté ? Comment la
laissons-nous entrer en nous ?
Est-ce nous qui
l'habitons ?
Ou bien c'est elle qui
nous hante ?
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