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Laura Kasischke - Le pressentiment de la catastrophe

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Pendant des siècles, les différentes légendes ont prêté aux alchimistes de tous bords la volonté de transformer le plomb en or. Quelle découverte majeure ce serait, quel bond en avant prodigieux, quelle inépuisable source de richesses aurait-on alors découvert ! Mais tout ceci relève de la chimère, et pareille formule n'a jamais été trouvée. En littérature, on pourrait appliquer cette recherche à la volonté de créer le tout à partir du rien. C'est à dire faire jaillir du banal le plus accompli (une situation du quotidien, un dialogue sur la météo) un élément si troublant qu'il en devient essentiel. Il ne se passe rien, pourtant, tout est là.  Si plus d'un a tenté l'expérience, elle demeure toutefois très difficile à accomplir et, malheureusement, on trouve davantage d'exemples d'échec que de réussite (parfois, tout ceci est trop artificiel et on voit venir le subterfuge : "quel temps superbe, non ?" "Non, regardez ce gros nuage noir

Maurice Pons, quelque part entre le malsain et le lumineux

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Cet article, je l'ai commencé dix fois, douze fois, quinze fois, sans jamais en être satisfait. Pourtant, je retente ma chance. Je voulais écrire un hommage vibrant à Maurice Pons, écrivain de génie pas assez lu à mon goût, qui nous a quitté en toute discrétion il y a plus d'un an maintenant. Je voulais lancer un appel pour la réédition de tous ses livres, romans, nouvelles, y compris ses écrits sur l'art, car la plupart sont épuisés. Je voulais, pourquoi pas, me poser en biographe non officiel de cet homme que je n'ai jamais eu la chance de rencontrer, retracer sa vie, et vivre avec lui au Moulin d'Andé, où il s'était retiré voilà déjà quelques décennies. Je voulais retranscrire les conversations que nous n'aurons jamais, goûter ses alcools et profiter du silence porté disparu dans le tumulte des grandes villes. Je voulais tout cela, mais j'ai été incapable de savoir par où commencer. Ou plutôt si, je connais le point de départ.

La grâce du macabre - Véronique(s) Ovaldé et Dorey

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« Rosa Luisa avait eu trois sœurs. La plus jeune était folle, la deuxième était pute, la troisième était morte. » Ainsi commence Quatre cœurs imparfaits , une nouvelle de Véronique Ovaldé, illustrée par Véronique Dorey. « J'avais failli passer ma vie à lutter contre l'attraction terrestre et mes chairs périssables. Heureusement, je m'étais carapatée avant. » Voici ce qu'on peut lire, au hasard, dans La science des cauchemars . Ainsi, deux magnifiques petits ouvrages, sobres, élégants, cartonnés, édités par Thierry Magnier. Au mot, impeccable, droit au but : Ovaldé. A l'image, sublime, éthérée, cauchemardesque : Dorey.  On connaît Véronique Ovaldé, ses romans font partie des incontournables des rentrées littéraires, d'abord chez Actes Sud, puis L'Olivier, maintenant Flammarion. Je me souviens d' Et mon cœur transparent , qui était véritablement un très bon livre, où un type un peu lâche et malchanceux (nommé Lancelot, on a con

Le Beau Bizarre est un saxophone

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….. le temps est suspendu ..... Puis il s'étire, longuement, comme une volée de marches qu'on pense monter à l'infini, puis il raccourci  si vite si vite si vite  que le ravin que l'on imaginait au loin est déjà sous nos pieds. Le temps du rêve est indépendant de notre volonté, c'est bien ce qui rend ces moments étranges et fascinants. Car dès que le temps nous échappe, tout peut nous surprendre, tout peut nous effrayer. On aime nos rêves les plus absurdes, les plus fous, les plus tordus. Et, précisément, pour ces rêves-là, il semblerait qu'on soit capable d'entendre la petite musique qui les accompagne. Tandis qu'on avance vers la chute, qu'on traverse difficilement des tunnels sombres, qu'on rampe le souffle coupé, un seul et même instrument illustre nos mésaventures : le saxophone. Chaque rêve est une partition pour saxophone, souvent ténor lancinant, parfois chaud et enveloppant, parfois surgit de nulle part, tapi dans

Encore un blog ?

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Oui, je sais, c'est exactement ce que vous êtes en train de penser :  « encore un type qui donne son avis sur les bouquins qu'il a lu ? des films qu'il a vu ? des photos, des tableaux... Il y en a déjà beaucoup trop des comme lui, à la longue, ça en devient lassant. Qu'est-ce qu'il a à dire de plus ? ». Vous n'avez pas totalement tort de dire ça. Mais ! Le but de ce blog est de définir le concept de Beau Bizarre (en toute modestie),  au-delà de Baudelaire,  au-delà du surréalisme,  au-delà de Christophe.  Il s'agit de chercher dans la littérature, le cinéma, les beaux-arts, voire la musique, ce qui pourrait se rapprocher à la fois du sublime et du macabre, de la grâce et du monstrueux. Se rapprocher, dépasser, ou passer à côté (puisque tout échec compte) sans sombrer pour autant dans le « soleil noir de la mélancolie » (sans vouloir faire le poseur).  L'idée est davantage de décrire une ambiance et un concept, plutôt que déverser