Bellmer / Buron : la Poupée est devenue humaine
Dans son étrange
laboratoire, Hans Bellmer fourmillait d'idées et de visions. Sans
relâche, il dessinait tout, couchant sur papier ses fantasmes et
fantasmagories les plus sombres, articulant et désarticulant à
l'infini les corps des femmes qui lui apparaissaient sans cesse.
Certainement qu'une nuit,
au détour d'un rêve, ou plus sûrement au moment où deux songes se
sont télescopés, s'est avancée vers lui, dans toute sa lumineuse
beauté et sa nudité d’effrontée, la Poupée qu'il s’ingéniera,
pendant les quarante années suivantes, à monter et démonter à
l'envie.
Toute la psychanalyse du
monde pourra noircir des pages et des pages sur les symboles et les
représentations de sa poupée, ce qu'elle dit des rapports de
Bellmer aux femmes, aux mères, aux maîtresses, ce n'est pas, ici,
notre propos. Restons au stade premier de la vue, puis au stade
deuxième du ressenti.
Voici l’œuvre :
La poupée implorante est
devenue forme monstrueuse à quatre jambes.
Araignée, fourmi, ou
mille autres bestioles horrifiques.
Dans son laboratoire,
Hans Bellmer tremble d'émoi.
Et si sa poupée, inhumaine, disloquée,
aux jambes dupliquées, devenait une femme ? Et si, d'un seul
coup, ce corps étrange prenait vie ?
Quel affreux cauchemar ce
serait.
La jeune photographe
espagnole Angela Buron, elle, n'a pas peur de cet affreux cauchemar. Au contraire, elle
donnerait certainement tout pour lui insuffler la vie.
Alors, tel le docteur qui fit se lever le monstre Frankenstein, elle compose à partir de morceaux de corps des êtres rampants, en mouvement, appelés à être humains.
Dès lors, poursuivant les travaux du docteur Bellmer, Angela Buron fait apparaitre mannequins, poupées, et autres monstres désarticulés dans chacune de ses photos.
Elles sont magnifiques.
Elles sont intrigantes, dérangeantes, fascinantes.
Surtout, elles nous permettent toujours de croire que créer, c'est étendre le champ des
possibles.
Commentaires
Enregistrer un commentaire